lundi 18 novembre 2013

Košice, l'autre capitale européenne de la culture abrite un bidonville pour les Roms


En Slovaquie, la ville de Košice a été élue Capitale européenne de la culture. Comme Marseille en France. La ville a reçu d'importantes subventions aussitôt investies dans les infrastructures urbaines, les industries culturelles et les sites touristiques, mais rien ne change pour Lunik IX, une ancienne cité ouvrière où une population de 8000 Roms slovaques continue de vivre dans des conditions indignes.

L'histoire de ce quartier est emblématique de la manière dont les autorités slovaques peuvent traiter aujourd'hui le problème de la minorité rom. Mais pour la comprendre, il faut revenir en arrière, au moins jusqu'aux années communistes.

Première étape en 1954 : La Slovaquie fait encore partie de la République Socialiste Tchécoslovaque, sous la présidence d'Antonín Zápotocký. C'est cette année-là que le pouvoir communiste a déclaré le nomadisme illégal sur tout le territoire de la Tchécoslovaquie, obligeant les populations encore nomades à se sédentariser pour intégrer la population ouvrière et travailler à la construction d'une société socialiste. 

Deuxième étape en 1969 :  Création de la Commission gouvernementale de la République socialiste slovaque pour la question des habitants d'origine tsigane sous la direction du ministère des Affaires sociales. En 1973, c'est cette commission qui entame les premiers travaux à Košice. La ville a été choisie car elle abrite la plus grande concentration de Roms de toute Tchécoslovaquie. L'idée est de créer une nouvelle cité près de Myslava, des barres d'immeubles destinées à de jeunes familles. 

Dès l'origine, le quartier de Luník IX est prévu comme une expérience d'intégration forcée des populations roms. Il était en effet destiné à accueillir en particulier des militaires, des policiers et des Roms,. Très vite, la presse de l'époque parle de « cité purement tsigane ». Toutes les huttes et habitations insalubres de Košice, qui constituaient l'ordinaire des familles tsiganes, doivent laisser la place des appartements au confort standard de l'époque.

Troisième étape en 1978 : C'est l'année où Lunik IX voit arriver ses premiers habitants. En 1981, les travaux sont terminés et tous les appartements occupés, mais les familles de militaires et de policiers sont en nombre inférieur aux plans initiaux, les militaires refusant de cohabiter avec des populations tsiganes. En 1983, la population se répartit entre 40 % de Roms et 60 % de non-Roms.

Quatrième étape en 1995 : La ville de Košice modifie sa politique d'attribution de logements et rassemble à Lunik IX tous les locataires problématiques (squatteurs, SDF, chômeurs non indemnisés, délinquants. Les premières familles non-roms quittèrent le quartier pour Ťahanovce en 1996. Selon le quotidien Vychodoslovenske noviny, la dernière famille non-rom  déménagea le 8 octobre 2001. Depuis, le quartier se transforme en ghetto, habité exclusivement par des familles roms défavorisées. Il représente par ailleurs la plus grande concentration de Roms en Europe centrale.

En moins de vingt ans, la population de Lunik IX est passée de 2 500 habitants à 6 220. L'accroissement de la population, de 34,98 ‰ entre 2005 et 2007, est dû principalement à la natalité très élevée et à l'arrivée de nouveaux habitants, hébergés à l'intérieur d'appartements déjà surpeuplés. Très vite, la voirie n'entretient plus les voies d'accès, les ordures ne sont plus ramassées et le courrier n'est plus distribué, l'électricité est régulièrement coupée et l'eau n'est distribuée que deux heures par jour. Les égouts ne fonctionnent plus. Abandonné à sa misère, le ghetto devient rapidement un bidonville où les déchets accumulés attirent les rats et les bandes de chiens errants.

Luník IX est aujourd'hui la commune de Slovaquie avec la plus haute densité de population : 5 842 habitants par km2 en 2010, avec un taux de chômage proche des 90 %. La moyenne d'occupation d'un appartement est de onze personnes.

La ville de Košice a ordonné l'évacuation et la démolition de deux premiers immeubles en 2008. Début 2012, trois immeubles avaient déjà été détruits, ce qui représente une centaine appartements, alors que d'autres démolitions sont planifiées. Les familles expulsées vont grossir le nombre de sans-abris qui n'a pas cessé de croître en Slovaquie. La plupart s'installent dans l'un des 14 campements illégaux recensées en 2012 sur la commune de Košice .

D'autres documents sur Lunik IX :

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