vendredi 1 août 2014

HISTORIQUE DES EXPULSIONS SUCCESSIVES DES FAMILLES ROUMAINES

Virées de Saint-Charles la veille, les familles se sont installées
Porte d’Aix avant de s’en faire déloger hier matin par les CRS.
Photos Patrick di domenico
  (c) Copyright Journal La Marseillaise

Depuis l'expulsion du 124 Bd de Plombières ( plus de 150 personnes ) au mois de juillet 2014, la situation pour les familles laissées sans solution à la rue avec de nombreux enfan
ts en bas âge n'a cessé de se dégrader, les poussant à l'épuisement et ne leur accordant aucun répit et aucune aide malgré la chaleur caniculaire et le fort vent que connaît la ville de Marseille.

- Le matin de l'expulsion, nous avons constaté que tous les parcs et jardins alentours étaient gardés pour leur en interdire l'accès, obligeant les familles à rester sur le trottoir le long de la voie rapide de Plombières, occasionnant les risques pour tous ces enfants, les mettant dans une situation dégradante et humiliante exposés à la colère des automobilistes victimes de l'embouteillage généré par ce déplacement de population, générant toujours cette stigmatisation propice à l'ingénierie de la haine raciale et des conflits sociaux opérés à travers cette traque et cette stigmatisation des Rroms.

- Passées les trois nuits d'hôtel qui leur avaient été accordées sans solution de relogement, quelques 80 personnes dont des personnes âgées, une vingtaine d'enfants et plusieurs nourrissons vont se retrouver à la rue avec toutes leurs affaires du coté de la gare Saint Charles. Un petit groupe va se poser dans un parc à l'ombre des arbres, ne générant aucun trouble à l'ordre public si ce n'est leur simple présence dans ce lieu de passage touristique. Une brigade de policier va immédiatement venir leur interdire d'étendre leurs affaires et leur intiment de quitter les lieux, les affaires personnelles comme les matelas qu'ils ne peuvent emporter vont être jetées dans une benne de la ville appelée pour l'occasion. Il leur est interdit de rester dans ce parc.

- IL est 14h, Les familles ne savent absolument pas où se rendre puisqu'aucune proposition ne leur a été faite. Nous sommes alors avec eux quelques bénévoles ou amis et n'avons non plus aucune idée d'une quelconque possibilité. Ils emportent leurs affaires restantes jusqu'à la pelouse de la porte d'Aix et ont à peine le temps de se poser que la police vient à nouveau leur stipuler l'interdiction de rester là. C'est déjà le milieu d'après midi et le vent commence à souffler, les enfants ont froid et n'ont plus ni matelas ni couverture et la police leur interdit de s'installer. Devant l'absolue impossibilité de se rendre nulle part, il leur est finalement accordé de rester une seule nuit et de quitter les lieux au matin. Quelques tentes sont dressées par ceux qui en possèdent encore mais le reste passe la nuit dehors sans matelas et sans couverture, sous une simple bâche pour s'abriter du vent. Dans la nuit, des soulards vont même venir les insulter et les provoquer, heureusement aucun incident n'a lieu. Tout le monde a froid et peur et beaucoup d'enfants pleurent. Le vent va souffler jusqu'au matin

- Le lendemain matin, le samu social est appelé très tôt pour amener de l'eau et un peu de nourriture. Seule la présence des bénévoles va permettre de temporiser jusqu'à son arrivée car la police intervient dès les premières heures. Le samu social va arriver vers 11 heures et les familles doivent immédiatement quitter les lieux sans pouvoir prendre le temps de manger et se restaurer. Une benne de la ville vient cette fois encore faire disparaître sous leurs yeux toute trace de leur passage, seule réponse des instances publiques face à leur misère et leur désarroi. Le groupe qui reste, composé de ceux qui n'ont pas de véhicule, se retrouve à nouveau sur le trottoir et s'assoient sur les marches d'un hôtel de la porte d'Aix, la gérante appelle à nouveau la police qui leur interdit également de s'asseoir sur ces marches et leur ordonne de quitter la place. Exténués, ils vont aller se poser un peu plus loin dans un peu d'ombre et une nouvelle brigade viendra les contrôler, leur demander de quitter les lieux et va rester sur place en patrouillant à intervalle régulier jusqu'à ce que nous nous décidions à quitter la place pour se rendre du coté de la joliette.

- Le soir même, la police intervient à nouveau pour tenter de les déloger, la présence de bénévoles et amis permet à nouveau d'obtenir qu'ils puissent passer la nuit ici avec encore l'obligation de quitter les lieux au matin.

- Ils étaient donc ce matin, jeudi 31 juillet 2014, au nombre d'une soixantaine de personnes dont des enfants et nourrissons complétement à la rue et sans aucune solution pour répondre à l'exigence qui leur est faite de se rendre invisible ou de disparaître.
Quelques nuits d'hôtel ont finalement été rendues possibles pour les mamans ayant des enfants mais d'autres sont encore dehors dans des conditions de plus en plus dangereuses devant l'agressivité montante de l'opinion publique à leur égard.

- Un an après avoir déjà été expulsés du même endroit, ces familles se retrouvent à nouveau dans le square Léon Rathéry en bas du boulevard de Plombière où avait eu lieu la première tentative de réquisition d'un immeuble qui avait été ignorée par la préfecture et la ville. C'est réellement un retour en arrière et une destruction du travail entamé par les associations. Les conditions de vie de ces familles n'ont fait que se dégrader et nous n'avons qu'assisté à une répression inhumaine et à un refus de proposer des solutions d'ensemble pour répondre à l'urgence d'une petite communauté qui pourrait très bien s'intégrer dans la grande communauté marseillaise.

C'est une réelle ingénierie de la haine raciale qui est mise en place avec la stigmatisation de ces familles en créant des situations humanitaires déplorables et en les exhibant pour en faire le réceptacle des frustrations sociales générés par une politique agressive et destructrice des institutions sociales et caritatives.
Derrière cette non-assistance à personne en danger et mise en danger de la vie d'autrui, c'est réellement la construction d'un bouc émissaire qui est à l'œuvre avec cette traque continue qui vise à les épuiser et ne peut que générer des situations très graves comme nous commençons à en vivre dans les différents quartiers où nous tentons de les installer.

En effet le consensus raciste et le positionnement de l'état, exprimé sans complexe par ses représentants et radicalement hostile à ces personnes pourtant européennes sur le sol européen, a généré un climat de tension et d'incompréhension telle que toute tentative de trouver un terrain est très mal perçue par les populations qui sont elles mêmes également victimes de la rigueur de cette économie.

Les différents membres des bénévoles qui ont tenté de les assister dans l'occupation d'un espace peuvent témoigner de la violence de la réponse et de l'impossibilité totale de trouver actuellement un espace disponible susceptible d'accueillir ces familles malgré le fait que de nombreux bâtiments, entrepôts ou espaces soient vides ou condamnés, vacants dans l'attente de leur intégration au projet Euro~Mediterranée qui a pris possession de la quasi-totalité du littoral marseillais et de la zone portuaire.

Devant le risque croissant qui se présente à chaque tentative d'occupation ( la dernière tentative s'étant traduite par des coups de fusil tirés par les voisins sans même tenter de discuter ) depuis l'année dernière où l'occupation d'un bâtiment vide dans le quartier de la Cabucelle avait essuyé deux attaques nocturnes avant que les familles ne se décident de partir pour éviter d'embraser à nouveau les quartiers, il est urgent que les instances publiques prennent leur responsabilité et s'expriment pour donner à ces familles le droit de vivre décemment en leur accordant le minimum qui est du à chaque citoyen et à chaque être humain, le droit à la sécurité, à l'hygiène, à la santé, à l'éducation.

Nous sommes plusieurs bénévoles et associations à avoir proposé notre aide en tant que médiateurs pour les accompagner dans le processus d'intégration et de scolarisation, nous travaillons de concert avec les organismes sociaux habilités et nous avons fait notre possible pour fournir avec nos propres moyens les outils qui ont permis jusqu'à maintenant d'éviter une catastrophe humanitaire ou que ne dégénèrent ces situations déjà précaires et nous tirons aujourd'hui la sonnette d'alarme.

Il est manifeste que l'intention des autorités est de pousser ces gens par épuisement à quitter la ville de Marseille, aucun répit ne leur est accordé, aucun respect ni aucun droit ne leur sont reconnus. Cette politique discriminatoire a déjà fait trop de victimes, la Ville de Marseille ne peut pas se permettre de pousser plus loin la provocation à la confrontation violente et à l'exacerbation des tensions sociales.

Des solutions peuvent être mises en place pour répondre à l'urgence humanitaire de ces familles sans générer tous les troubles dont on les accuse, et pour les quelles la ville de Marseille et la préfecture de région ont également leur responsabilité dans le fait de n'avoir fourni aucune assistance sanitaire à ces personnes pourtant présentes sur le territoire de la commune depuis de nombreuses années.

Nous demandons que soit rendu disponible dans l'urgence un terrain ou un bâtiment vide pour y loger ces familles le temps de les mettre en relation avec les organismes sociaux, nous nous proposons de créer les outils associatifs pour permettre la médiation et le fonctionnement de telles structures dans le but de permettre aux enfants d'avoir accès à l'éducation et à l'hygiène tout en permettant aux parents d'exercer leur activité dans le respect des cadres et de la législation. Nous affirmons à nouveau que cela est possible si les moyens nous sont accordés de rendre les conditions de vie décentes pour des petites unités familiales et si l'état cesse de stigmatiser cette population et ré exprime son autorité dans sa volonté de protéger toute personne résidente sur le territoire français en lui accordant les droits fondamentaux en échange des devoirs citoyens. Cet échange sur la base de ce respect réciproque est possible, il est temps que le discours de stigmatisation change, nous sommes aux cotés de ces populations pour permettre à la Ville de Marseille de retrouver son unité et son fonctionnement sur les bases d'un respect réciproque et d'une hospitalité constructive.

Cette lettre ouverte semble aujourd'hui la seule manière d'espérer sortir de la spirale de violence qui a été mise en place et qui ne peut qu'aboutir à un drame ou une issue tragique.

Nous dénonçons ici un mécanisme d'épuisement et de stigmatisation sociale, une traque minutieuse et continue dont l'intention première est la restriction de la liberté d'une population.

Nous dénonçons que des moyens peuvent être mis en œuvre pour très rapidement désamorcer ce climat de tension sociale exacerbée par la misère et nous demandons que la ville de Marseille et la Region cesse cette politique discriminatoire et se plie aux injonctions européennes en utilisant les fonds qui ont été attribués pour résoudre cette question.

Il n'est plus possible que seuls quelques bénévoles mettent en jeu leur temps, leur moyen et parfois leur sécurité pour pallier à l'ignorance qui est faite de la misère de ces populations.

Il est temps que les différentes instances publiques et privées, que les institutions spirituelles des différentes confessions s'expriment à nouveau sur la nécessaire solidarité qui est le cœur de la cohésion sociale et que soit mis à disposition des espaces et des moyens pour cesser de faire vivre à ces gens la misère qui n'est que le reflet de nos propres dysfonctionnements.

Les Roms, s'ils ont leur culture propre, n'en sont pas moins des acteurs de la société qui nous est nous donnée à vivre et sont tout autant porteurs des éventuelles solutions aux problématiques de notre modernité ( en terme de recyclage et d'économie populaire ).

Il est urgent que leur soit données la parole et l'opportunité de pouvoir inscrire leurs enfants à l'école et qu'ils cessent d'avoir à subir à vivre dans des conditions auxquelles ne devraient plus être exposé personne dans une société moderne.

Nous demandons à ce que cette demande soit entendue par la Préfecture, la Région et la Ville, que cette demande soit entendue par l'Etat et par l'Europe, nous refusons que la ville de Marseille soit le théâtre d'une politique de ségrégation et encore moins le théatre d'affrontements communautaires, nous avons les moyens d'éviter cela, nous demandons à ce que les associations se réunissent et qu'une table ronde soit faite pour trouver un fonctionnement qui permette à nouveau à chacun de vivre dignement avec toutes les ressources que nous offre la Ville de Marseille et sa situation privilégiée.

Nous demandons à ce qu'un état des lieux des espaces vacants soit établi et que le plus rapidement possible, un espace soit mis à disposition pour cesser d'exhiber ces familles comme seules responsables des problèmes que rencontrent Marseille afin qu'elles puissent enfin comme tout le monde, vivre dignement dans la simplicité et le respect.

à Marseille, le 1 aout 2014
Matthieu Salvetat, Ambassada Rumaness


Et dans la presse :




vendredi 10 janvier 2014

Tortures et assassinats de prévenus Rroms dans les commissariats russes

Police de Pskov
Déploiement policier dans la banlieue de Pskov
Des Rroms sont régulièrement victimes de violences et de tortures dans les commissariats de police de Pskov, au nord-ouest de la Russie. 

Voici trois cas, documentés par le Centre Anti-Discrimination Mémorial, à St Petersbourg, où les violences policières ont entraîné la mort des trois prévenus.

Le rapport du Centre Anti-Discrimination de St Petersbourg répertorie quantité d'autres cas, dont le grand nombre et l'impunité indiquent suffisamment que ces persécutions sont devenues habituelles en Russie.

La mort de Fatima Alexandrovitch au commissariat de Pskov

Le 20 mai 2002, Fatima Alexandrovitch, d'origine Rrom, a été arrêtée et emmenée au poste de police de Pskov. Elle a été retrouvée morte dans la cour du commissariat, un peu plus tard ce jour-là ; selon la police, Fatima avait sauté d'une fenêtre, dans une intention suicidaire. Néanmoins, la police a volontairement évité d'enquêter sur l'incident. Selon des témoins, il y avait des blessures sur le corps de Fatima qui ne pouvaient pas être la conséquence d'une chute. Il y avait donc toutes les raisons de croire que Fatima avait été victime de violences à l'intérieur du commissariat, qu'elle a été assassinée avant qu'on ne dissimule les traces du crime pour éviter toute responsabilité.

Après avoir épuisé les recours devant la justice russe, une plainte a été déposée auprès de la Cour européenne des droits de l'homme. Dans sa décision, Kleyn et Alexandrovitch vs Russie, la Cour a constaté une violation de l'obligation de la Russie à mener une enquête indépendante et efficace suite à un décès au cours d'une garde à vue. La Cour n'a pu conclure à une violation du droit de Fatima à la vie, puisqu'il était impossible de fournir suffisamment de preuves qu'elle avait été assassinée à l'intérieur du commissariat, avant la chute de son corps. Cependant, la conclusion de la Cour indique qu'il y a bien eu violation de l'aspect procédural de l'article 2 de la Convention européenne, et met en évidence le manque d'intérêt des autorités russes à mener une enquête effective et indépendante en cas de violation potentielle du droit à la vie par des agents de police. Après la mort de sa femme, le plaignant s'est retrouvé seul avec deux enfants en bas âge. Dix ans après le tragique incident, il a reçu 20 000 euros de dédommagement ainsi que le remboursement des frais juridiques .
Pskov Kommissarovsky Lane., 2

La mort de Roman Samuelevich au centre de détention de Pskov

En 2005, Roman Samulevich, d'origine Rrom, a été retrouvé mort dans le centre de détention de Pskov. Sa mort résulte d'une asphyxie (le corps a été retrouvé avec une corde autour du cou). Selon des rapports d'experts, il y avait de nombreuses blessures sur son corps qui étaient incompatibles avec la mort par pendaison. Malgré ces rapports et la demande que soit menée une enquête criminelle sur l'implication du personnel du centre de détention dans la mort de Roman Samulevitch, l'enquête n'a jamais été réalisée. Le refus des agences officielles d'appliquer la loi pour enquêter a été l'objet d'une plainte auprès des tribunaux russes. Une autre plainte a été préparée et déposée auprès de la Cour européenne des droits de l'homme.
Police department №1, Pskov, ulitsa Maksima Gorkogo, 39а

La mort de Nikolaï Nikiforov au centre de détention de Pskov

Nikolai Nikiforov, d'origine Rrom, a été arrêté à Pskov, fin février 2011, suite à une bagarre.
Il a été reläché dans l'attente de son procès. Peu après sa libération, Nikolai a reçu une convocation pour revenir au poste de police, où il n'a pu se rendre pour raisons médicales. Il a donc été arrêté et conduit au centre de détention de Pskov. Deux jours plus tard, ses parents ont été informés de sa mort, d'une pneumonie selon le rapport de police.
Selon la mère de Nikolaï, son fils a été roué de coups lors de son arrestation. Des proches, qui ont assisté à l'enterrement de Nikolaï, ont rapporté que tout son corps était couvert d'ecchymoses, de toute évidence suite à des coups.
Malgré la présence d'un avocat, représentant la mère de Nikolaï Nikiforov lors de l'enquête qui a suivi sa mort, aucune poursuite pénale n'a été engagée. Une plainte, concernant le refus d'engager des poursuites pénales suite à la mort de Nikolaï Nikiforov au centre de détention de Pskov, a été déposée auprès de la Cour municipale de Pskov, en vertu de l'article 125 du Code de procédure russe.
Police department №1, Pskov, ulitsa Maksima Gorkogo, 39а

Les archives relatives à ces affaires sont consultables dans les archives du Centre Anti-Discrimination MEMORIAL. Ce rapport, envoyé à l'ONU, a déclenché des représailles de la part du Kremlin qui cherche à interdire l'ADC Mémorial.

Anti Discrimination Centre Mémorial
25/14 7th Krasnoarmeyskaya St.
Office 413
St. Petersburg, Russia 190005 
Tel: +7 (812) 317 89 30
Tel./fax: +7 (812) 575 90 50
Website: http:/adcmemorial.org

Pskov (Псков), est la capitale administrative de l'oblast de Pskov (203 974 habitants en 2012), située au nord-ouest de la Russie, près de la frontière estonienne. En France, elle est jumelée avec Arles.